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ST FLORENT et CEVENNES passé-présent
12 avril 2019

Aménagement du territoire

Paysage modelé par l’homme

Rédaction  :  Edmée Fache

Aménagement du terroir

Charlemagne et ses descendants veulent une église militante. Pour cela, ils dotent richement les bénédictins, seul ordre monastique en Occident jusqu’au XIe siècle, qu’ils chargent d’implanter partout des abbayes pour mettre en valeur les terres à l’entour et promouvoir l’économie.

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Pour coloniser les Cévennes, des moines bénédictins remontent les rivières au Xè siècle, à la recherche de sites disposant de points d’eau permanents. Ils installent ainsi un prieuré à Saint-Florent sur Auzonnet, vers 974 semble-t-il, dans une région alors couverte d’épaisses forêts. En 1162, quand le prieuré bénédictin de Saint-Florent passe sous la domination de l’Evêché d’Uzès, il est servi par trois moines qui dirigent les paysans qui aménagent le village et les montagnes et  drainent le fond de la vallée. Les moines encouragent la culture dans la Vallée de la vigne et du châtaignier dont ils diffusent des variétés améliorées.

Mise en valeur du terroir

Les moines participent au grand élan de défrichement médiéval. Ils valorisent la forêt qui permet de s’approvisionner en bois de chauffage et de construction et en divers fruits et racines. Les moines débroussaillent, rationalisent la coupe et la pousse des espèces.

En diffusant les progrès techniques et en observant les pratiques culturales paysannes, ils créent de véritables fermes-modèles avec bâtiments d’exploitation et d’habitation où débute la spécialisation de la main-d’œuvre.

Au Moyen Âge, grâce à sa teneur en alcool, le vin est parfois plus salubre que l’eau et revêt donc une importance vitale. Utilisant le vin pour leur boisson et pour la liturgie, les moines choisissent des sols propices à la culture de la vigne, sur les pentes aménagées bien ensoleillées. A partir de 1160, le surplus de production vinicole des abbayes est commercialisé.

L’élevage procure des produits alimentaires (viandes, laitages, fromages), de la fumure, des matières premières pour l’industrie du vêtement (laine, cuir) et des produits manufacturés (parchemins, corne). Avec la croissance économique et démographique et les besoins importants de l’industrie textile, il faut plus de bovins et d’ovins. Les moines améliorent les races de bétail élevé par des croisements et des sélections.

Afin d’éviter les inondations, les édifices réalisés par les moines sont légèrement surélevés par rapport à la rivière. Ils mettent en œuvre des techniques d’irrigation et de drainage passées en Occident via l’Espagne musulmane. Ainsi, ils assèchent les zones marécageuses en collectant les eaux stagnantes dans des fossés et en réalisant des barrages en amont des sites aménagés pour réguler l’écoulement des eaux. En fond de vallées, ils veillent à évacuer les eaux de pluie tout en conservant les alluvions nutritives par décantation. Les rivières capricieuses deviennent des cours d’eau régulés pour les besoins domestiques, énergétiques et agricoles, rendant exploitables des terres auparavant délaissées. Malheureusement, les crues les plus fortes ruinent parfois les travaux réalisés qu’il faut reprendre.

Avec la mise au point de l’arbre à came au Xe siècle, l’énergie peut être utilisée pour de multiples usages industriels. Le moulin hydraulique se diffuse pendant toute la période médiévale, source de rentrées financières importantes pour la noblesse et les monastères qui investissent donc dans ce type d’équipements. L’utilisation de l’énergie hydraulique plutôt qu’animale ou humaine permet une productivité sans comparaison avec celle disponible dans l’Antiquité : en une heure, chaque meule d’un moulin à eau peut moudre 150 kilos de blé ce qui correspond au travail de 40 serfs.

Le marteau hydraulique est semble-t-il mis au point par les moines qui en généralisent l’emploi dans toute l’Europe. Les moines ont besoin d’outils pour l’agriculture, le terrassement, la construction… Il leur faut des clous de charpente, des serrures…. Dès le XIIe siècle, ils encouragent l’évolution des techniques en mécanisant certaines étapes du travail du fer. Les forges actionnées à l’énergie hydraulique démultiplient la capacité de production des forgerons. Grâce aux martinets (ou marteaux pilons), on travaille plus rapidement des pièces plus imposantes. Actionné par la roue du moulin, le mécanisme du soufflet de forge propulse suffisamment d’air à l’intérieur des fours pour élever la température à plus de 1.000 °C, permettant d’obtenir des aciers de bien meilleure qualité.

Aménagement des pentes

Dans le contexte particulier du terrain accidenté en Cévennes, notamment dans la vallée de l’Auzonnet, la mise en valeur des terres en pente nécessite l’édification de terrasses (faïsses, en occitan). La construction des faïsses débute au Xe et XIe siècles quand l’exploitation de la forêt dégage les flancs des montagnes tout en produisant du charbon de bois. L’édification des terrasses sous la conduite des moines bénédictins mobilise une main d’œuvre importante pendant de longues périodes ainsi que des outils et du matériel. Les moines financent cet investissement à long terme, notamment grâce aux revenus tirés de la vente du charbon de bois à l’artisanat local.

En l’absence d’aménagements appropriés, les eaux de pluies qui dévalent des pentes dénudées de la montagne entraînent la terre et les débris organiques en creusant des ravins plus ou moins profonds selon la dureté de la roche et l’angle de la pente. L’érosion met la roche à nu, empêchant toute l’agriculture. Pour créer des terres cultivables et constituer des réserves d’eau pour l’arrosage en été, il faut combler les ravins et garnir de terre végétale l’espace ainsi créé. L’aménagement des terrasses de culture, phénomène très répandu à l’échelle de la planète dans les régions au relief accidenté, est synonyme d’une organisation centralisée, autoritaire, porteuse d’une vision à long terme qui s’épanouit dans une longue période de paix.

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Pour combler les ravins, on commence par élever, au pied du ravin et dans toute sa largeur un mur en pierre sèche, de deux mètres de haut au moins, au centre. Les pierres utilisées sont prélevées sur place. Cette digue perpendiculaire au sens du ruissellement retient les sables et débris organiques tout en  laissant passer l’eau pure. Ainsi, le vide derrière le mur se remplit peu à peu. On recommence l’opération plus haut sur la pente de la montagne. Le second mur parallèle au premier arrête et filtre les eaux de pluie, permettant une nouvelle accumulation de débris. L’opération est renouvelée autant que nécessaire. Le travail est harassant mais, à la fin, l’eau de pluie s’infiltre paisiblement de terrasse en terrasse, sans éroder les sols sur lesquels s’installent les cultures. Les murs de soutènement des faïsses retiennent la chaleur, favorisant les variétés précoces. Des arbres aux racines profondes sont installés pour fixer la terre. Ils sont disposés de manière à ne pas faire trop d’ombres aux pommes de terre, légumineuses, céréales…

L’entretien régulier des terrasses se réalise à la morte saison.

Sources :

La vallée de l’Auzonnet – Gérard Delmas – Massy, 2002

Bâtisseurs de paysages en Cévennes – témoignages recueillis par Marie-Anne AUBERT – Champ social Editions – Nîmes 2006

Histoire du monachisme bénédictin – Schmidt – Abbaye de Meredsous – 1989
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